L’analyse technique est-elle vraiment une science ?
On oppose souvent l’analyse technique et l’analyse fondamentale.
La première utilise des lignes, des patterns et des indicateurs, la seconde analyse les comptes des sociétés et fait des plans sur la comète pour évaluer les entreprises.
Et les tenants des deux disciplines s’affrontent régulièrement dans un éternel combat.
Ce post est motivé par ce que j’ai lu dans le livre Investir en bourse : styles gagnants, styles perdants. L’auteur y présente les mauvais styles d’investissement et les bons. Cela part d’un bon sentiment. En effet il se contente de dire, encore une fois, que les investisseurs « value » et Warren Buffett ont réussi. Et que le GARP est la panacée.
Cela nous fait une belle jambe !
On lit page 22 :
…penser que le graphique du cours est utile pour prédire l’avenir (ou que l’analyse technique est une science utile…)
L’auteur cite aussi Warren Buffett pour dire que si l’on pouvait prévoir les cours de bourse en lisant dans les graphiques tout le monde serait milliardaire.
Malheureusement cela ne tient pas !
En effet, tout le monde, mais je dis bien, tout le monde (dans le petit monde de la bourse) sait comment fait Buffett et ses maîtres (value investing). La moitié de la littérature boursière parle de cela. Or il y a peu de milliardaires dont le business est d’investir en bourse, en tout cas, tout le monde ne l’est pas.
Alors, quand une technique est partagée par tout le monde et qu’elle ne marche pas, que peut-on dire ?
Eh bien, on peut dire qu’elle ne marche pas. Tautologie on ne peut plus vraie.
L’analyse fondamentale ne marche pas
Table des matières
L’AF, GARP et les conneries de ce genre ne fonctionnent pas. Sinon, tout le monde serait riche.
S’il suffisait de mesurer les cash-flows, de mouiller son doigt, le mettre en l’air et de dire « hum, ce business me semble bon », alors ma concierge serait milliardaire.
Vous ne pouvez pas imiter Buffett
Tout d’abord, Buffett faisait de l’ingénierie financière. Il a racheté une boîte et l’a transformée en véhicule d’investissement.
Ils ont profité du grand marché bullish
Les autres « Maîtres » des tenants de l’analyse fondamentale ont la plupart placé de grosses sommes dans les bonnes entreprises au bon moment.
Ensuite, l’époque a fait son œuvre. Les 30 glorieuses, la bulle Internet et autres krachs à l’envers les ont enrichis.
La plupart étaient des professionnels gérant des fonds d’investissement. C’était leur métier et le marché a été bullish pendant des décennies. Certaines études montrent même qu’il l’est sur le long terme (cela reste à prouver : c’est quoi le long terme ?)
Le biais cognitif du survivant
Il y a ensuite un biais cognitif qui fait que l’on ne s’intéresse qu’aux gagnants. Combien d’analystes fondamentaux (tiens, c’est proche de fondamentaliste) ont échoué ?
Effectivement, si l’on étudie les plus riches, on va dire que leurs méthodes sont gagnantes. Pardon, leur style !
On a affaire à des Forrest Gump qui a investi dans Apple qu’il croyait être une coopérative fruitière et se retrouve avec une fortune en poche.
Cette société a bien marché ! (source Youtube)
Misez de grosses sommes sur le marché bullish du siècle et gagnez gros. Voilà comment résumer la théorie de la valeur.
Les blue chips ont toutes fortement progressé dans l’histoire des indices de la bourse américaine. D’ailleurs, les indices eux-mêmes ont fortement progressé.
Il suffisait d’acheter les poids lourds de l’indice pour faire du fric en bourse.
Sauf que cela a pris des dizaines d’années et beaucoup de capital.
Est-ce que tout le monde peut faire pareil ? Non.
Un singe pourrait faire pareil
On cite souvent l’étude qui aurait démontré que les prévisions boursières sont aussi efficaces qu’un singe choisissant au hasard les actions.
Pourtant, si Forrest Gump avait conservé ses actions Apple au lieu de les revendre pour investir dans Bubba Shrimp, il serait aujourd’hui à la tête de 7 milliards !
Il aurait fait aussi bien que nos analystes fondamentalistes et sans aucune notion d’analyse financière.
C’est bien là la tristesse de 50% des livres sur l’investissement boursier. Ils se basent sur des faits d’il y a 50 ans.
L’analyse financière : du vent
L’analyse financière c’est du vent, comme l’économie. Il suffit de lire L’Imposture économique : Bêtises et illusions d’une science au pouvoir (un excellent bouquin) pour le comprendre, ou de suivre les prédictions des économistes (particulièrement ceux du gouvernement).
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Une généalogie de l’analyse technique
Mais voyons clair, pour une fois. De quoi parle-t-on ?
On parle d’investisseurs des années 1930, 1950, 1970. Allez, 1980 si vous voulez !
Quels étaient leurs moyens à l’époque ? Réponse : la paperasse.
Il n’y avait pas de Personal Computer en 1970. Les « traders » se contentaient de tracer des lignes droites sur les graphiques boursiers. De là est née l’analyse technique. D’ailleurs beaucoup d’auteurs confondent analyse technique et chartisme.
L’analyse technique c’est plus que tracer des lignes ou dire que les cours vont grimper l’équivalent de la hauteur du triangle !
J’ai l’impression que certains auteurs, néophytes ou peu formés (on ne peut pas se former à quelque chose dont on ignore l’existence) en sont restés à ce chartisme de papy.
Les réalisations de l’analyse technique
Pour écrire cet article je me suis posé des questions. Peut-être que j’ai tort. Donc, à l’occasion du carnaval d’articles que j’ai organisé en septembre sur le sujet de « sur quoi investir après la crise financière asiatique », ayant vu que certains blogueurs avait parlé d’analyse fondamentale, je me suis renseigné. J’ai donc visité un lien conseillé et j’ai programmé un screener d’analyse fondamentale pour trouver des actions intéressantes à acheter.
Fi ! je suis tombé sur des actions en belle tendance baissière ! Alors, peut-être qu’un jour elles reprendront du poil de la bête et assureront de jolies plus-values, mais dans combien de temps ?
A contrario, grâce à l’analyse technique on peut voir le marché en rose et ne s’intéresser qu’aux valeurs qui ont réellement des chances de rapporter gros, tout de suite. Pas la peine d’attendre !
On peut aussi vivre du trading en devenant day trader. Comment l’AF pourrait dire quand il faut acheter et vendre quand les ticks défilent sous ses yeux ?
Aimons-nous vivants ! N’attendons pas la saint Glinglin pour gagner en bourse. Les promesses ne tiennent que ceux à qui on les fait.
Analyse technique et analyse fondamentale : deux objectifs différents
Bon, allez, je mets un peu d’eau dans mon vin.
D’où vient cette querelle entre ATistes et AFistes ?
Du fait qu’ils ne parlent pas des mêmes choses.
Imaginons quelqu’un qui désire se créer un portefeuille d’actions et le faire grossir.
Tout d’abord il devra y mettre du capital, puis acheter des actions. Croyez-vous qu’il voudra attendre 20 ans pour le multiplier par 3 ?
Non, en phase de création il faut faire grossir son capital rapidement.
L’AT l’aidera en cela. Il pourra réallouer rapidement ses actifs et investir son argent sur les meilleures occasions grâce à l’analyse technique et, ainsi, faire croître plus rapidement son portefeuille.
Quand notre heureux investisseur dispose de 500 000 euros ou plus, là ce n’est plus pareil. Il ne peut plus acheter et vendre de très petites valeurs dynamiques. Il est obligé de se rabattre sur les blue chips et big caps qui n’offrent pas d’aussi bons rendements.
Quand il possède 10 millions en capital, même sur les big caps, il ne peut plus se permettre d’acheter et vendre souvent, d’autant plus que les valeurs bougent peu (bien sûr, on peut investir des millions dans une small cap, mais je vous parle d’une situation où l’on gère correctement son risque en répartissant ses positions).
Notre investisseur va donc se tourner vers les techniques de gestion de portefeuille, d’assurance de portefeuille et de sélection d’actions « sérieuses », « rationnelles » et long terme.
Bien sûr on peut tout baser sur l’Analyse Technique, qui marche aussi sur le long terme, mais pour investir des millions, les gens préfèrent l’analyse fondamentale.
Remarquez que j’ai pris une seule personne pour endosser ce rôle d’investisseur ; dans la réalité ce sont deux personnes différentes, celui qui a fait croître son capital jusqu’à plusieurs millions est sans doute sur un île en train de siroter une boisson et a délégué la gestion de sa fortune à quelqu’un qui n’a que l’AF pour justifier ses investissements et rendre des comptes entre gens « sérieux ».
Dan Zanger, lui a continué à utiliser l’Analyse Technique.
Donc, quand on parle Analyse Technique, en général, on parle de capitaux plus faibles. Quand on parle d’analyse fondamentale, on évoque des portefeuilles plus gros. Mais cela ne veut pas dire que l’analyse fondamentale produit de plus gros portefeuilles.
Cela veut simplement dire que l’AF est en général utilisée pour gérer de gros portefeuilles. Nuance.
Et rappelez-vous que la majorité a souvent tort (pensez à notre « présiflan »).
Conclusion
Analyse Technique et Analyse Fondamentale ont leurs avantages. Les deux sont utiles et doivent être connues. Plus on a d’options de choix dans la vie mieux on s’en sort.
Mais si vous voulez gagner rapidement de l’argent en bourse, optez d’abord pour l’analyse technique.
Ou vous devrez attendre d’avoir l’âge de Mathusalix pour en profiter.
Fossile : http://www.mineral-hub.net/fossiles-coiron-ardeche.html, Mathusalix : film Astérix contre César
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